Pilote de ligne et président d’aéroclub
Ultra-motivé. Julien Lhernault, 34 ans, a découvert l’aviation par la simulation. Il a rencontré des centaines de pilotes. Il s’est formé comme cela, avant de pousser la porte de l’aéroclub Rouen-Normandie. Pur produit de la filière club et du cursus modulaire, Julien est aujourd’hui pilote de ligne chez Transavia, en venant de l’aviation régionale.
Personne dans sa famille n’est lié de près ou de loin à l’aéronautique. Après un parcours marqué au sceau d’une motivation inébranlable, Julien Lhernault est devenu, à 34 ans, pilote au sein du groupe Air France, aux commandes d’un 737 de Transavia. Pas de posters d’avions au mur, pas de maquettes… Il a un vague souvenir d’une image d’avion dans un film, dont il ne souvient même plus le nom. Il habite dans la campagne normande, un peu isolée, dans la très grande banlieue de Rouen. Autant dire que la voie du club n’est pas facilement accessible pour lui.
En revanche, Julien a l’esprit vif et ingénieux, depuis tout petit. Son premier contact avec l’aviation est virtuel. En effet, il devient un adepte de Flight Simulator. Il découvre, dans son coin, ce qu’est un avion, comment ça vole et comment on peut voyager derrière son PC. Il a moins de 13 ans.
L’arrivée de l’ADSL dans son secteur va changer pas mal de choses : il se connecte au réseau de simulation IVAO. Là, très vite, il discute avec des membres du monde entier, des pilotes, des contrôleurs, des passionnés et, souvent, des professionnels. Mais, surtout, il peut les questionner et apprendre tout l’écosystème de l’aviation. Il y a des instructeurs, des cours en ligne sur la réglementation, l’IFR ou encore la communication. Les bases de données sont actualisées en permanence.
Son premier vol en ligne sur le réseau se fait sur un Boeing 737 accompagné d’un autre passionné pour le guider. C’est à ce moment qu’il découvre les premières bases comme un SID ou une ILS. Il participe à des « Lan Party » où des dizaines, parfois des centaines, de passionnés se réunissent pour de vrai et partager des vols ensemble, échanger sur leur passion, chacun endossant le rôle de pilote ou de contrôleur. Avant même d’avoir mis les pieds dans un club ou une école, Julien est déjà en formation, apprend tout sur l’exploitation d’un avion (du remplissage du FMC à la mise en route des moteurs), l’IFR, la phraséologie et, surtout, l’anglais. Ses « collègues » sont pour la plupart des étrangers. C’est pour lui, sans doute, le meilleur moyen d’être bilingue, pratiquer !
Premier baptême de l’air à 14 ans
Ses parents ont compris et à 14 ans, il prend l’air pour la première fois, « en vrai », aux commandes d’un Rallye lors d’un vol découverte sur l’aéroport de Rouen. C’est le déclic, il débute alors à cette époque une formation au brevet de base. Durant ses années de lycée, il devient pilote privé, monte ses heures et fait un peu voler les copains. Il s’est inscrit à l’Aéro-Club Rouen Normandie en 2006. Il se prend d’intérêt pour la vie associative du club, participe autant que possible et vole autant qu’il le peut sur le Cessna 152 du club…
Julien est lâché à 20 heures pour le brevet de base, le jour de ses 15 ans, brevet qu’il obtient à 16 ans, puis le PPL à 17 ans. Il entame déjà son mûrissement pour l’entrée en CPL. Le club a acheté un Aquila qui vole peu. Avion de nouvelle génération en composite, plus fin et moteur Rotax à pas variable, c’est la révolution pour l’association. Julien va en faire son avion de mûrissement. Puis, à 18 ans, il entre au conseil d’administration de l’aéroclub.
Une fois le bac en poche, il opte pour l’Institut Mermoz en vue de l’ATPL théorique et choisit la version distancielle, moins chère. Durant un an, il va fréquenter le club tous les jours et travailler son ATPL en même temps. L’occasion de poursuivre son mûrissement en étant baigné dans une ambiance aéronautique, d’apprendre aussi sur le terrain par l’observation grâce à l’atelier de maintenance de l’association. L’ATPL est un vrai boulot, avec pas mal de bachotage entre ce qui va servir et ce qui fait partie de la « culture réglementaire » imposée par les autorités. Pour la partie pratique, il opte pour Airways Formation et son campus d’Agen où officiait encore à l’époque son fondateur Michel Malécot. « C’était une école réputée, la formation était très bien orientée, vers une analyse complète des missions, de la météo, une rigueur et un collègue d’instructeurs très expérimenté. On passait le CPL en premier, je trouvais ça plus logique et puis, surtout, Malécot a été l’un des premiers à s’équiper en DA42, des avions modernes et adaptés pour la formation vers la ligne. » Julien a d’ailleurs gardé des contacts avec certains de ses instructeurs de l’époque.
Les embauches étaient au point mort
En 2011, Julien est pro, mais c’est bien la pire période. Air France s’est refermée, plus de cadets et une conjoncture plombée, avec elle, la majorité des compagnies ont arrêté leurs recrutements. Logiquement, il bascule sur la formation instructeur, la seule solution à cette époque. Il revient comme instructeur bénévole au sein de son club à Rouen. Il apprend la rigueur de l’enseignement et celle qu’elle exige pour former des pilotes, surtout auprès d’une population hétéroclite comme c’est souvent le cas pour le PPL. Au bout d’un an, il est en CDI, au chaud. En effet, comme des tas de jeunes pilotes avant lui, il a bombardé les compagnies aériennes mondiales de son CV, tout frais. Seules, deux Anglaises lui ont répondu, par la négative. Instruire, c’est pour l’heure plus sûr. Le club va traverser une période de tension, puis de réorganisation. Il devient président, avec une petite équipe et l’objectif de donner un coup de boost. Son CDI dure un an avant le chômage.
Malgré tout, en parallèle, il continue de voler, mais, cette fois, il parvient à faire quelques piges en tant que pilote à droite à gauche, il organise des initiations IFR au club avec un avion loué à Iroise Aero Formation et il vole également pour quelques propriétaires privés. Son objectif est bien, en attendant la reprise du trafic, de devenir instructeur multi et IFR ; cela lui permettrait de travailler dans une école de pilotage.
Il va être instructeur en école
Côté conjoncture, 2015 est l’époque où apparaissent les premiers signes d’une reprise. Son ancien instructeur chez Airways l’invite à revenir dans l’école en tant qu’instructeur. L’occasion est trop belle : il devient FI, CRI, IRI dans une école pro et réputée. L’intérêt est de pouvoir effectuer des heures de vol dans un cadre professionnel. Il est autoentrepreneur et vole également pour d’autres écoles et pour des privés.
En 2016, l’embauche est repartie. Julien finit par compléter son CV, il ne lui manque que la MCC. Il remédie à cette situation. Il fera pendant une période du monoturbopropulseurs sur TBM et Pilatus PC-12. Il est ainsi amené à effectuer, pour les propriétaires de ces avions, des vols privés, en découvrant plusieurs terrains affaires, en Europe, et l’exigence de cette forme d’exploitation, agile et pragmatique. Boulimique de responsabilités, il devient également examinateur… 2017, cette fois, les offres d’emploi reviennent et, pour Julien, elles se télescopent. Ryanair, contacté il y a plusieurs années, finit par répondre au Rouennais, mais, en même temps, Chalair lui téléphone la veille pour le lendemain : il y a un stage d’adaptation (SADE) qui démarre. Cela mérite réflexion : débuter le processus de sélection pour entrer dans une grande compagnie avec des postes possibles à l’étranger ou intégrer avec certitude une plus petite compagnie. Il opte pour Chalair. La flotte est, à l’époque, constituée de Beechcraft 1900, biturbopropulseur de 19 places, un cran au-dessus du PC-12. Il intègre la compagnie en février 2017 avec déjà 2500 heures de vol, dont 75 % d’instruction. Son adaptation en ligne démarre, les conditions salariales ne sont pas au top, mais l’ambiance est familiale et, surtout, c’est une première expérience en ligne. Il fera bon nombre de petits tronçons : Bordeaux, Brest, Nantes, Pau, Caen, Rennes… Le 1900 est une bête de somme, bruyante, mais infatigable.
Julien se souvient également du fret postal de nuit entre Brest et CDG pour le compte d’Europe Air Post, devenue aujourd’hui ASL Airlines. Il fallait attendre le chargement du courrier, voler une heure trente vers la capitale et attendre sur le tarmac francilien le courrier retour pour les Bretons. Julien n’en garde pas l’exaltation de « faire passer la ligne ». « Tu te sens bien seul sur la fréquence à ces horaires, tu as surtout envie de dormir. Même le contrôle nous donnait des « directes » entre CDG et Brest. En plus, ce n’est pas non plus le confort absolu, pas de toilettes, un fuselage plutôt étriqué et une « présence » soutenue des deux PT6. Mais c’est une machine d’apprentissage parfaite, increvable, en laquelle j’avais une confiance absolue. » Le mouvement d’embauche provoque des départs de Chalair, ce qui lui permet de devenir commandant de bord. En parallèle, Julien, qui a un goût prononcé pour la réglementation, devient, à 26 ans, adjoint au responsable désigné des opérations en vol (RDOV). Tout en volant, il approfondit sa connaissance de la compagnie et de son organisation.
Il devient commandant de bord sur ATR
En 2018, Chalair va changer de braquet et passer à l’ATR, un avion « CS-25 ». C’est un projet exaltant pour tous. Il faut intégrer l’ATR dans la flotte, écrire des MANEX supplémentaires, etc. Il devient, en outre, chef du secteur BE 1900 et commandant de bord biqualifié passant du 1900 C ou D, en exploitation mono ou multipilote, à l’ATR 42 ou 72 selon les journées. Il vole sur toutes les lignes de la compagnie, mais également au Niger où Chalair dispose de contrats. Il se souvient des convoyages en Beech 1900, parfois en monopilote, partant le matin de Caen pour rejoindre Niamey après deux stops techniques, généralement à Constantine et Tamanrasset, embarquant un avion, du matériel et des mécaniciens.
Julien est toutefois plus ambitieux : il sait que c’est une compagnie d’apprentissage et qu’il faudra s’ouvrir des portes pour poursuivre la carrière. 2020 est l’année d’effroi, la COVID cloue les compagnies au sol. Julien garde une petite activité administrative au sol, il passe également beaucoup de temps avec les mécanos : « Un pilote ne peut pas bosser sans eux, comme l’ensemble de la chaîne d’ailleurs, et c’est toujours très intéressant de comprendre leurs contraintes. » Cette situation dure environ un an et là, l’aventure Chalair s’arrête prématurément pour lui.
La COVID est une période compliquée : deux années d’incertitudes et des recrutements de nouveau à l’arrêt. Julien ne se laisse pas abattre et profite de cette période pour reprendre l’instruction en montant un ATO. Et, en parallèle, il est toujours président de l’ACRN. Le club, dont il est aux manettes depuis sept ans, se porte mieux et il va encore le faire évoluer : flotte EFFIS équipée de pilotes automatiques (B23, DA40NG), accompagnement des pilotes par l’instruction, nouvelle dynamique. Aujourd’hui, l’association est en bonne forme, le volume d’activité est le double d’avant- COVID. Cet engagement pour la filière aéroclub lui vaudra même la médaille de bronze de la Jeunesse, des Sports et de l’Engagement associatif (JSEA) lors de la promotion de juillet 2023.
Pendant ce temps, la situation s’éternise, il entreprend des démarches pour reprendre une formation à l’université, mais, près de 10 ans après l’envoi de son CV, il est convoqué en PSY1 de la sélection Air France, en janvier 2023. L’espoir de faire une carrière dans une major, et pas n’importe laquelle, reprend un sacré coup de fouet.
C’est le début du processus de sélection, premier rendez-vous en 2023 à l’ENAC pour les PSY 1, puis convocation en PSY 2 en juin. Là, il connaît une petite appréhension, car il se rapproche d’un de ses rêves : intégrer la compagnie nationale. L’alignement des planètes joue en sa faveur. L’enjeu était important : « Soit je réussis et je construis la suite de ma carrière, soit je repars dans la galère. Avant la date, la pression monte. Forcément, tu réfléchis que tu vas représenter la France, sa culture et son savoir-faire au sein d’une compagnie historique pendant au moins une trentaine d’années. »
Il a passionné les hommes de la sélection
Lors de l’entretien individuel, Julien se raconte, son parcours et la cohérence de ses choix. De l’autre côté, les évaluateurs semblent conquis. Au bout d’une heure, ils sont obligés de l’arrêter. En juillet, il est admis et les choses s’enchaînent. Julien entre en QT en fin d’année pour cinq semaines afin d’intégrer la compagnie Transavia en tant qu’OPL (officier pilote de ligne). Le 737 n’est pas un monument de complexité, c’est quand même un peu différent de l’ATR. Toutefois, ce n’est pas la première QT de Julien. Lors de l’adaptation en ligne, il redécouvre également le travail en équipage qu’il n’avait pas pratiqué depuis trois ans. Il est lâché début 2024 sur un aller-retour à Naples. Il ne tarit pas d’éloge sur le groupe Air France qui fait l’objet d’une grande bienveillance à l’égard de ses PNT, la possibilité de construire sa carrière et de l’adapter à sa vie personnelle et familiale. Il savoure également la qualité du travail en équipage et ses collègues, en particulier en cabine.
Aujourd’hui, il a 5000 heures au compteur, dont 600 en 737. Avec Air France/Transavia, il peut enfin faire redescendre la pression et souffler, notamment pour sa famille. Pour des raisons de disponibilités, il a été obligé de mettre en sommeil l’ATO, mais il reste toutefois président de l’Aéro-Club Rouen Normandie et avec le même engagement, lui qui est passé par cette filière « aéro-club » et « modulaire ». La première partie de sa carrière aura été faite d’incertitudes et de turbulences, chaque expérience a été extrêmement enrichissante, à l’image du modèle américain : passant de l’instruction à l’aviation privée, au turbopropulseur, à la ligne en région, avant de rejoindre une major pour poursuivre sa carrière vers le long-courrier. Sa motivation inébranlable et une véritable capacité d’adaptation l’ont accompagné jusque-là.
L’avenir ? Il semble bien tout tracé, il ne cache pas qu’au-delà du pilotage, il aimerait mettre son expérience au service du groupe. À moins qu’il ne choisisse encore, par goût, d’être également instructeur.
Ce portrait est extrait du magazine Aviation et Pilote, premier mensuel indépendant français d’information sur l’aviation générale, qui traite également de l’aviation commerciale et de l’aviation d’affaires à travers ses rubriques: 12 numéros par an + 1 hors-série dédié aux formations et métiers de l’aérien. Aviation et Pilote est aussi organisateur du Salon des formations et métiers aéronautiques.
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